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TRIBUNE #5 : Nos Alumni agissent pour l'environnement et le climat !

30 août 2022 Climat & Environnement
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Le 8 Décembre 2020, le Conseil d'Administration de Supméca Alumni a voté à l'unanimité le soutien de l'association auprès du collectif Alumni for the Planet. Dans le cadre de ce soutien nous offrons une tribune mensuelle aux Alumni de Supméca qui agissent pour le climat et l'environnement pour promouvoir leurs actions, leurs projets !

 

Ce mois-ci découvrez le témoignage de Hélène Frénois, interviewée le 8 juin 2022. Hélène est Directrice du projet Bas-Carbone à Safran Landing Systems. Son métier ? Contribuer à la décarbonation du groupe Safran, particulièrement en la pilotant sur les opérations de Safran Landing Systems

 

Comme Hélène, engagez-vous avec Alumni for the Planet et contactez-nous @ communication.reseau@supmeca-alumni.com pour communiquer sur vos projets, qu’ils soient dans vos entreprises actuelles, d’ordre entrepreneurial, associatifs ou de toute autre nature ! 

 

Bonjour Hélène, merci de te prêter au jeu de l’interview ! Tu es la première personne que nous recevons dans le cadre de cet exercice à occuper un poste complètement dédié à une problématique environnementale dans un grand groupe tel que Safran. Ça s'annonce passionnant ! Pour commencer, peux-tu nous en dire un peu sur tes études et ton parcours professionnel ?

 

Hélène : Merci pour la proposition d’interview, je suis ravie d’échanger aujourd’hui ! Pour commencer, je te propose de couper nos caméras, afin d’éviter de consommer de la bande passante et inutilement émettre du CO2, ça te va ?

 

Bien sûr ! Il est bien de pouvoir se voir lorsqu’on commence une visio, mais pour la suite, ce n’est en effet pas si indispensable… 

 

Tout à fait ! Alors, pour revenir à ta question, je suis diplômée de la promotion 1992, spécialité Mécanique et Matériaux, complété par un DEA en Mécanique Industrielle (Diplôme d’Etudes Approfondies, ancien diplôme universitaire délivré en France jusqu’au début des années 2000, équivaut à un master 2 actuel n.d.l.r.). Ce diplôme permettait de partir en thèse, mais laissait la possibilité de partir travailler en entreprise ou d’aller en laboratoire. J’ai choisi le monde de l'entreprise, en intégrant la société Hurel-Dubois. Là, j’ai travaillé au sein de la Direction Technique, service Matériaux et Procédés, en cohérence avec mon diplôme. Pendant près de 8 ans, j’ai réalisé des plans de qualification Matériaux sur les nacelles et inverseurs de poussée. Hurel-Dubois a ultérieurement été absorbé par Snecma (devenu  Safran Aircraft Engines). 

 

En 2001, j’ai intégré la Direction des Achats. A l’époque, il y avait peu d’ingénieurs aux achats. C’était le début de la phase de professionnalisation de cette fonction. 

 

J’ai travaillé aux Achats jusqu’en 2017, soit plus de 15 ans, et occupé des postes différents : en 2005, j’ai intégré la Direction Achats Groupe au siège social de Safran, pour piloter des synergies achats dans le cadre de la fusion Snecma / Sagem.  En 2009, j’ai rejoint Safran Landing Systems (une des sociétés de Safran, Safran étant organisé en Activités produits) en tant que Responsable Achats Programmes puis Directrice des achats “Forgés et matières premières”, portefeuille stratégique pour Safran Landing Systems. C’était un poste avec une composante technique importante, car la connaissance des matériaux et des procédés était bien sûr essentielle, mais également une composante commerciale et de négociation forte.

Safran - DES POSITIONS DE LEADER SUR SES PRINCIPAUX SEGMENTS D'ACTIVITÉS (source : Safran)

 

En 2017, j’ai changé d’environnement, partant en expatriation au Japon, mon conjoint profitant d’une opportunité chez Nissan à Tokyo, puis nous sommes rentrés en 2019.

 

J’imagine que l’expérience a dû être intéressante ?

 

En effet, c’était assez extraordinaire ! Partir vivre au Japon est une complète perte de repères. Surtout, cela n’a pas été facile de trouver un travail, la faute à la barrière de la langue évidemment. Il m’a donc fallu développer mes réseaux perso et pro. J’ai fini par trouver une mission en tant que consultante aéronautique pour une entreprise française implantée à Tokyo. Le travail consistait à se rendre chez de potentiels fournisseurs pour l’aéronautique, évaluer leur maturité industrielle et répondre à la question : est-ce que cette entreprise est en mesure de devenir un fournisseur de donneurs d’ordre aéronautiques? Ce travail est bien sûr incontournable pour toute entreprise : certains fournisseurs sont à peine plus gros que des « garages », quand d’autres sont bien plus développés. L’expérience a été très enrichissante et j’ai pu maintenir un lien avec l’aéro,.. A mon retour en France, j’ai passé beaucoup d’entretiens avant de me décider de reprendre un poste chez Safran Landing Systems.

 

Je suppose qu’il s’agit de ton poste actuel ?

 

En effet, il s’agit de mon poste de Directeur du Projet Bas-carbone, basé à Vélizy, que j’occupe depuis 2019. Je n’avais pas de connaissances préalables et ai donc appris « sur le tas ». Cela ne me dérange pas : j’aime beaucoup apprendre, et j’ai apprécié me frotter à ce nouveau sujet. Il a généré une profonde prise de conscience et m’apporté beaucoup de compréhension sur les enjeux environnementaux essentiels et l’importance du rôle des Parties Prenantes. On doit décarboner parce qu’il y a le changement climatique face auquel nous devons nous adapter, et la pression des actionnaires, des salariés, des jeunes diplômés, des fournisseurs et du business nous pousse à agir. Il y a de tels enjeux, c’est enthousiasmant de contribuer à faire bouger les lignes.

Les principales Parties Prenantes d’une entreprise (source : Novethic)

https://www.novethic.fr/entreprises-responsables/qui-sont-les-parties-prenantes-de-lentreprise.html

 

Si je comprends bien, tu n’as pas eu de formation pour ce nouveau poste ?

 

Si bien sûr, un minimum tout de même ! Je me suis formée auprès de mes pairs, les autres chefs de projets Bas-Carbone pour monter en maturité, et ai bénéficié d’une formation, qui m’a permis d’appréhender les grandes thématiques de la décarbonation, acquérir certains réflexes et mieux connaître les causes et conséquences du changement climatique. J’ai appris beaucoup, mais ai bien sûr encore beaucoup à apprendre. L’interaction avec les différents chefs de projet est d’ailleurs enrichissante : tout le monde n’a pas la même sensibilité et les mêmes propositions d’actions sur tous les sujets. Je m’informe aussi beaucoup auprès d’organismes et de scientifiques, mais aussi sur les réseaux, d’influenceurs, en veillant à croiser au maximum les sources, pour récolter une variété de points de vue. C’est essentiel. Dernièrement, tu as peut-être vu le mouvement des Bifurqueurs, des jeunes diplômés de l’école Agro Paris Tech, appelant à ne pas travailler pour des entreprises qui participent à détruire l’environnement. Il y a de nombreux mouvements de ce type chez les jeunes : il faut les écouter, et y répondre. A mon niveau, j’embarque mon entreprise en informant sur ce qu’il se passe, et faire prendre conscience de ces aspirations.

 

Revenons sur le projet Bas Carbone chez Safran Landing Systems, peux-tu nous en dire plus ?

 

A ce stade, il est pertinent que j’explique le fonctionnement du projet Bas Carbone chez Safran. Pour ce projet, un chef de projet global au siège Safran anime un réseau de chefs de projets présents dans chaque société du groupe : Safran Landing Systems, Safran Aircraft engines, Safran Cabin etc. Il y a une coordination, orientée par des directives émises par le Groupe. Chacun doit dans son entité décliner les objectifs et les directives, avec une certaine marge de manœuvre et les plans d’actions ne sont pas les mêmes en fonction des produits, des implantations géographiques, etc.

 

Ce projet a pour périmètre nos opérations, ce qui inclut nos usines, notre supply chain, nos achats et nos transports. Le Bilan Carbone est réalisé sur le scope 1 et 2 bien sûr (les entreprises dépassant un certain CA et/ou masse salariale sont réglementairement tenus de publier leur Bilan Carbone scope 1 et 2 n.d.l.r.), mais nous travaillons aussi sur le scope 3. Cela adresse, pour ma part, les achats, la logistique et les déplacements des salariés. 

Bilan Carbone : les scope 1, 2 et 3 et les sous-catégories associées

Source : https://bilans-ges.ademe.fr/fr/accueil/contenu/index/page/categorie/siGras/0 

 

Le scope 3 inclut aussi les émissions liées à l’usage des produits (lorsque nos produits sont montés sur avion), qui représente pour Safran plus de 80% de ses émissions totales: cette partie-là est traitée par la R&T et le bureau d’étude. Afin de réduire ces émissions, nous développons de nouvelles technologies et des procédés innovants pour alléger les structures (en vue de réduire la consommation de carburant), et nous utilisons des outils tel que l’Analyse de Cycle de Vie (ACV, défini dans les normes ISO 14040 à 14044 n.d.l.r.) qui permet d’avoir une vue globale des impacts, pas uniquement sur le changement climatique, mais par exemple aussi sur la consommation des ressources, l’utilisation en eau, l’utilisation des sols, etc.

 

Récemment, Safran a  publié dans son DEU 2021 (Document d’Enregistrement Universel), en mars 2022, ses émissions scope 3, dont la part liée à l’usage des produits. (accessible ici : https://www.safran-group.com/fr/media/398647/download). Dans le groupe Safran, les principaux contributeurs sont les moteurs d’avion, les moteurs d’hélicoptères et les trains d'atterrissage. Nous avons un plan précis de réduction de notre empreinte qui nous permettra d’atteindre les objectifs cohérents avec ceux de l’accord de Paris.

 

Il me semble qu'Airbus a eu la même démarche dernièrement ?

 

En effet, Airbus a aussi rendu publiques ses émissions Scope 3. De son côté, Safran est très ambitieux sur les objectifs de réduction, notre cible étant une trajectoire « 1,5°C » (objectif de l’Accord de Paris : +1.5°C d’augmentation globale de la température du globe terrestre en 2100 par rapport à l’ère préindustrielle, n.d.l.r.). Cela se traduit par un objectif de réduction de -30% des émissions sur les scopes 1 et 2 en 2025 par rapport à 2018 (année de référence), et -50% d’ici 2030. Sur le scope 3, des objectifs ont été émis sur certains périmètres, tel que la mobilité des salariés, qui vise aussi -50% en 2030. Concernant l’usage des produits, il y a un objectif de réduction en termes d’efficacité : -42% d’émissions par passager.km. Au niveau des opérations chez Safran Landing Systems, nous avons défini des objectifs identiques sur les scope 1 et 2 à toutes les usines (16 implantations!), peu importe leur localisation dans le monde. Bien sûr il y a des différences  concernant les leviers d’actions selon les pays …

 

Hormis pour l’usage des produits, les objectifs sont donc bien en valeur absolue ?

 

Oui en effet ! Cela veut dire que nous devons atteindre ces objectifs, quelle que soit la croissance de Safran Landing Systems. Pour revenir sur l’objectif de la tenue de 1.5°C, Safran a annoncé récemment dans la presse avoir engagé le processus de certification de sa feuille de route auprès de la SBTi (La Science Based Target est une initiative d’experts internationaux qui permet d’évaluer, sur des bases scientifiques, si les évolutions des émissions de gaz à effet de serre d’un acteur économique sont compatibles avec l’objectif de limitation à 2°C ou 1,5°C de la température moyenne de la planète n.d.l.r.)

Tweet, le 25 mai 2022 (source : https://twitter.com/SAFRAN/status/1529458814675722241

 

Enfin, décarboner nos activités a un coût. Nous demandons au top 400 de nos fournisseurs de suivre une trajectoire de 2°C à minima. Dans le futur, la capacité à s’aligner sur ces objectifs, voire celui de 1,5°C sera un critère de choix dans la sélection de nos fournisseurs. Cela ne pourra pas se faire partout à la même vitesse : en France, nous disposons d’aides et de dispositifs d’accompagnement intéressants grâce à l’ADEME notamment (https://agirpourlatransition.ademe.fr/entreprises/), mais ce n’est pas forcément le cas dans d’autres pays … Et puis il y a des différences culturelles : lorsque l’on parle de décarbonation aux continents américains par exemple, cela nécessite d’identifier les bons leviers localement, notamment lorsque l’on souhaite développer les énergies renouvelables ou promouvoir la sobriété énergétique. 

 

Je me permets une digression : c’est pourquoi nous avons besoin de « bifurqueurs » dans les entreprises pour changer les choses de l’intérieur et challenger nos modèles. Il faut une cohabitation de divers moyens d’action.

 

En parlant de variété d’actions, je suppose que décarboner l’activité d’une entreprise passe justement par-là ?

 

En interne chez Safran Landing Systems, nos actions pour la décarbonation sont  diverses : des projets très techniques permettent de travailler sur les consommations et l’efficacité énergétique ou de réorganiser les flux de production et de transports pour réduire notre impact. Il y a également de la formation et de la sensibilisation. Nous avons déployé la Fresque du Climat (https://fresqueduclimat.org/) sur tous les sites français. Nous sommes actuellement en réflexion pour déployer plus largement, et nous nous posons encore la question de former des animateurs internes (tel que EDF le fait par exemple), ou recourir aux animateurs externes professionnels qui sont très compétents. Nous organisons aussi des challenges, tel que récemment pour le World Climate Challenge. Ainsi, les salariés, de tous nos sites, ont pu apporter leur contribution et des idées, pas seulement sur la décarbonation. Ce type d’événement est ludique et permet de toucher un grand nombre de personnes. Et il y a de nombreuses autres actions !

 

Merci Hélène, nous touchons à la fin de l’interview, y a-t-il d’autres sujets que tu souhaiterais aborder ?

 

Oui, nous avons parlé avant l’interview de la RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises n.d.l.r.). Ma mission porte sur la décarbonation, qui est un axe fondamental chez Safran, mais notre politique RSE comporte également 3 autres piliers : « être un employeur exemplaire », « incarner une industrie responsable » et « affirmer son engagement citoyen ». La Politique RSE est vraiment le cadre global qui donne une cohérence à l’ensemble des actions engagées.

Engage for the future, la stratégie RSE de Safran autour de 4 piliers et 12 engagements (source : Safran, DEU 2021)

 

Nous n’avons pas abordé ce en quoi consiste plus concrètement ton travail ! Tu peux nous en dire quelques mots pour conclure ?

 

Bien sûr ! Mon rôle est un rôle de management de projet, ce n’est pas du management hiérarchique, uniquement du management transverse. Chez Safran Landing Systems, chacun de nos 16 sites a nommé un leader bas carbone. Ce sont les personnes avec qui je travaille, de façon transversale pour faire avancer les projets. Donc il faut avoir quelques compétences de management pour convaincre et embarquer, car il n’y a pas d’enjeu hiérarchique entre nous. L’exercice est intéressant, d’autant plus que ce sont ainsi 16 cultures différentes à embarquer dans une même trajectoire avec des objectifs communs. Ainsi, j’ai des réunions de projet régulières, des comités de pilotage, etc. Le chef de projet est un vrai « couteau suisse » : il doit pouvoir parler technique, bien communiquer, convaincre et embarquer, réaliser de la gestion budgétaire, etc. Mon background professionnel m’aide à tout cela, et m’a aussi donné un réseau chez Safran qui m’est utile. Pour peu qu’on ait envie d’apprendre ainsi que l’envie et la capacité d’embarquer et de donner du sens à des sujets aussi complexes que la décarbonation, un poste tel que le mien a tout intérêt à se développer dans les entreprises, qu’elles soient industrielles ou non. Il faut des personnes qui agissent de l’intérieur pour répondre aux enjeux climatiques et environnementaux !




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